Publié le 12 mars 2024

La réussite d’une cotutelle de doctorat est moins une affaire d’organisation logistique qu’une manœuvre de diplomatie universitaire de haut niveau, où chaque détail administratif devient un levier stratégique.

  • La convention de cotutelle doit être appréhendée non comme un formulaire, mais comme un véritable traité binational anticipant les conflits de juridiction académique.
  • Le financement s’obtient en démontrant que la mobilité n’est pas une commodité, mais une condition essentielle à la méthodologie de recherche.
  • L’avantage compétitif ultime réside dans la capacité à fusionner la rigueur méthodologique nord-américaine avec la profondeur théorique européenne.

Recommandation : Abordez votre projet de cotutelle non pas en tant qu’étudiant, mais en tant que gestionnaire de projet international, où la maîtrise des rouages administratifs est aussi cruciale que l’excellence scientifique.

L’ambition d’un doctorat en cotutelle, particulièrement sur l’axe prestigieux France-Québec, représente le pinacle du parcours académique pour un chercheur en devenir. La promesse est séduisante : deux diplômes, deux réseaux scientifiques, deux cultures de recherche, pour l’effort d’une seule et même thèse. Cette perspective de doubler la valeur de son doctorat est un puissant moteur de motivation. Cependant, la vision commune réduit souvent ce défi à une simple question d’organisation personnelle et de gestion de la « paperasse », en partant du principe qu’une convention de cotutelle règle généralement la question des doubles frais de scolarité par une exonération dans l’un des deux établissements.

Cette perception, bien que non entièrement fausse, occulte la dimension la plus critique et la plus complexe de l’entreprise. La véritable nature de la cotutelle ne réside pas dans la logistique des déplacements, mais dans l’art de la diplomatie universitaire. Il s’agit de naviguer avec finesse entre deux juridictions académiques, deux philosophies de la recherche, deux calendriers administratifs et, parfois, deux égos professoraux. Le succès ne dépend pas seulement de la brillance scientifique, mais d’une intelligence stratégique capable d’anticiper, de négocier et d’harmoniser des systèmes qui n’ont pas été conçus pour collaborer.

Mais si la clé n’était pas de subir cette complexité, mais de la maîtriser pour en faire un avantage compétitif décisif ? Cet article se propose de dépasser les conseils de surface pour vous armer d’une perspective de stratège. Nous disséquerons les mécanismes politico-administratifs, financiers et humains qui régissent la cotutelle. L’objectif est de vous fournir les outils conceptuels et pratiques pour transformer ce qui apparaît comme un parcours d’obstacles bureaucratiques en une démonstration de vos compétences en gestion de projet international, faisant de votre double diplôme bien plus qu’une ligne sur un CV : la preuve de votre capacité à opérer au plus haut niveau de complexité académique.

Cet exposé se déploiera en analysant les points de friction et les leviers stratégiques à chaque étape cruciale de votre parcours. Des arcanes de la négociation de la convention à la planification de votre carrière postdoctorale, chaque section est conçue pour vous élever d’une posture de doctorant à celle d’un véritable architecte de votre succès international.

Comment mettre d’accord deux universités sur les règles de votre soutenance et de votre propriété intellectuelle ?

La convention de cotutelle est la pierre angulaire de votre projet. La considérer comme une simple formalité administrative est la première erreur stratégique. Il s’agit en réalité d’un traité binational qui doit anticiper et résoudre les conflits de juridiction académique. Le programme est heureusement une voie établie ; à titre d’exemple, plus de 400 étudiants en cotutelle depuis 1996 ont suivi ce parcours à l’Université de Montréal seule. Cette expérience institutionnelle est une ressource précieuse, incarnée par les coordonnateurs de cotutelle, qui sont vos premiers alliés diplomatiques.

Le diable se cache dans les détails réglementaires : la composition du jury, la durée maximale des études, la langue de rédaction de la thèse, et surtout, les droits de propriété intellectuelle. Comme le souligne l’ouvrage ‘Petit guide de survie des étudiants’, chaque établissement possède ses propres exigences. Un doctorant y témoigne de l’importance d’un suivi rigoureux, car les calendriers diffèrent : l’un peut exiger la signature de la convention pour valider l’inscription, l’autre non. L’asymétrie entre le système trimestriel québécois et le système annuel français impose une vigilance constante. Votre rôle est d’être le maître d’œuvre de cette harmonisation, en identifiant les points non-négociables et les zones de flexibilité de chaque institution.

Plan d’action pour la négociation de votre convention

  1. Contactez le coordonnateur de cotutelle de votre université québécoise dans les 3 premiers mois de votre doctorat : il sera votre principal guide bureaucratique.
  2. Téléchargez le modèle de convention-cadre Québec-France (signé entre la CRÉPUQ et la CPU) comme base de départ pour accélérer les négociations.
  3. Créez un tableau comparatif détaillé des règlements des deux universités (durée, jury, langue, dépôt).
  4. Identifiez avec vos directeurs les clauses critiques (non-négociables) et celles où un compromis est possible.
  5. Organisez une réunion virtuelle quadripartite (vous, vos deux directeurs, et les responsables administratifs) pour valider les accords avant la rédaction finale.

Aborder cette phase avec la rigueur d’un juriste et la souplesse d’un diplomate est fondamental. C’est ici que se joue une grande partie du succès de votre projet, bien avant la première ligne de votre thèse rédigée.

Comment organiser votre vie entre deux continents pour respecter les temps de présence obligatoires ?

La gestion d’une cotutelle est un exercice de jonglerie temporelle et logistique à grande échelle. L’asymétrie calendaire entre le système universitaire québécois et le système français est le principal défi structurel. Cette différence n’est pas anecdotique ; elle conditionne vos périodes de recherche, vos inscriptions et votre rythme de travail. Comme le résume Stéphanie Tailliez, conseillère en cotutelle à l’Université de Montréal, « Ici, nous travaillons avec un calendrier trimestriel, alors qu’en France il est annuel ». Cette simple phrase implique une double temporalité à laquelle vous devez vous adapter en permanence.

La clé est de transformer cette contrainte en une stratégie d’alternance optimisée. Il ne s’agit pas de subir les calendriers, mais de les utiliser à votre avantage pour structurer vos séjours. L’élaboration d’un rétroplanning sur trois ou quatre ans, validé par vos deux directeurs, est une nécessité absolue. Ce document doit cartographier non seulement vos périodes de présence obligatoires dans chaque pays, mais aussi les jalons scientifiques (expérimentations, travail de terrain, rédaction) et administratifs (réinscriptions, rapports d’avancement).

Calendrier mural avec épingles colorées marquant les périodes d'alternance entre le Québec et la France

La visualisation de cette double vie académique est essentielle. Le tableau suivant propose une stratégie pour synchroniser ces deux mondes et tirer le meilleur parti de chaque période, en particulier pour planifier les transitions transatlantiques durant les périodes de moindre activité académique.

Selon une analyse des structures académiques comparées, l’optimisation des séjours passe par une compréhension fine de ces décalages.

Calendrier universitaire Québec vs France : optimiser vos séjours
Période Québec France Stratégie optimale
Automne Septembre-Décembre Septembre-Janvier Séjour au Québec pour la rentrée
Hiver Janvier-Avril Février-Juin Rester au Québec ou transition vers France
Été Mai-Août Juillet-Août Période idéale pour changer de continent
Inscription Trimestrielle Annuelle Anticiper les démarches administratives

Cette planification rigoureuse est le fondement qui vous permettra de respecter vos engagements sans sacrifier votre productivité scientifique ni votre équilibre personnel. Elle est la preuve matérielle de votre capacité à gérer un projet complexe à l’échelle internationale.

Quelles bourses spécifiques existent pour payer vos billets d’avion bi-annuels ?

L’ingénierie financière est le troisième pilier d’une cotutelle réussie. La mobilité a un coût substantiel, et la recherche de financement ne doit pas être une démarche subie mais une quête proactive et stratégique. Le paysage du financement doctoral au Québec est riche, avec des organismes comme les Fonds de recherche du Québec (FRQ) qui jouent un rôle central. Pour la période 2023-2024, les FRQ ont par exemple augmenté la valeur des bourses doctorales à 25 000 $ par année, un montant significatif pour soutenir un projet d’envergure.

Au-delà des bourses doctorales standards, il existe des leviers de financement spécifiques à la mobilité et à la coopération France-Québec. L’excellence est souvent récompensée. Par exemple, l’ACFAS, en partenariat avec le MRIF du Québec et le Consulat général de France, décerne annuellement des prix de thèse en cotutelle. Comme le montre l’exemple des lauréates 2024, Jacinthe De Montigny et Fannie Duverger, ces prix de 1 500 € ne sont pas seulement un soutien financier, mais une reconnaissance prestigieuse qui valorise un parcours d’exception et renforce un CV. Il est donc impératif de viser l’excellence, car elle ouvre des portes de financement exclusives.

Il faut également explorer les sources de financement moins connues mais tout aussi pertinentes. Penser en dehors des sentiers battus est une compétence que les comités de sélection apprécient. Le programme PBEEE pour étudiants étrangers, le Fonds franco-québécois pour la coopération universitaire (FFQCU), ou encore les aides ponctuelles des services de relations internationales des universités sont autant de pistes à investiguer. L’approche la plus stratégique consiste à intégrer la mobilité non pas comme une dépense, mais comme un investissement essentiel à la méthodologie de votre recherche dans vos demandes de bourse principales.

Sources de financement méconnues pour la mobilité en cotutelle

  1. Demander le Prix de thèse en cotutelle France-Québec : 1 500 € remis annuellement par le MRIF et le Consulat de France.
  2. Solliciter les bourses de mobilité du programme PBEEE (Programme québécois de bourses d’excellence pour étudiants étrangers).
  3. Explorer le Fonds franco-québécois pour la coopération universitaire (FFQCU) pour des projets finançant les déplacements.
  4. Intégrer une ligne budgétaire « mobilité internationale » dans votre demande FRQ, en la justifiant comme indispensable à la collecte de données ou à la collaboration.
  5. Contacter UdeM international (ou l’équivalent) pour les aides ponctuelles à la mobilité pour des congrès ou des séjours de recherche courts.

Un plan de financement diversifié et solidement argumenté démontre une maturité et une vision à long terme qui distinguent les candidatures de haut niveau.

L’erreur de choisir deux directeurs de thèse aux méthodes opposées qui bloque votre progression

Au cœur de la cotutelle se trouve une relation humaine triangulaire : vous et vos deux directeurs de thèse. L’erreur la plus fréquente et la plus dommageable est de sous-estimer le risque d’incompatibilité entre les cultures académiques et les méthodes de travail de vos deux mentors. Un blocage à ce niveau peut paralyser votre progression plus sûrement que n’importe quel obstacle administratif. Comme le souligne avec justesse Richard Patry, vice-doyen à l’Université de Montréal : « Une cotutelle demande de l’initiative, de la discipline, de l’organisation et une très grande patience ! Mais le jeu en vaut la chandelle. » Cette patience est mise à rude épreuve lorsque les attentes de vos directeurs divergent radicalement.

L’un peut privilégier une approche directive avec des points hebdomadaires, tandis que l’autre favorise une grande autonomie avec des retours espacés. L’un peut exiger une revue de littérature exhaustive avant toute expérimentation, l’autre une approche itérative « test and learn ». Ces divergences méthodologiques ne sont pas des détails, elles sont le reflet de cultures de recherche distinctes. Sans un cadre de collaboration clair, vous risquez de devenir le terrain d’un conflit larvé, recevant des instructions contradictoires et passant plus de temps à faire la navette diplomatique qu’à avancer sur votre recherche.

Vue macro d'un carnet de notes avec diagramme de médiation entre deux approches de direction de thèse

La prévention est la seule stratégie viable. Il est de votre responsabilité d’initier, avant même la signature de la convention, une discussion tripartite pour établir un protocole de collaboration. Ce document, même informel, doit clarifier les attentes mutuelles sur des points aussi concrets que la fréquence des réunions, les délais de correction, l’ordre des auteurs sur les publications scientifiques, et surtout, le processus de prise de décision en cas de désaccord scientifique. L’identification précoce d’un médiateur neutre, comme le directeur du programme doctoral, est également une sage précaution.

Protocole de collaboration pour prévenir les conflits entre directeurs

  1. Organiser une rencontre virtuelle à trois AVANT de signer la convention pour discuter des attentes mutuelles et des styles de supervision.
  2. Établir un calendrier de réunions trimestrielles fixes avec les deux directeurs simultanément pour assurer une communication fluide.
  3. Rédiger un document informel précisant : la fréquence des corrections, les délais de retour attendus et l’ordre des auteurs sur les publications conjointes.
  4. Identifier un médiateur neutre (ex: directeur du programme doctoral) en amont, à solliciter en cas de désaccord majeur.
  5. Créer un rapport d’avancement mensuel unique, envoyé simultanément aux deux directeurs, pour maintenir une transparence totale.

En agissant comme le facilitateur de cette alliance scientifique, vous démontrez une maturité qui transcende le rôle de simple étudiant et vous positionne comme le véritable pilote de votre projet doctoral.

Quand réserver la salle et la visio pour que le jury des deux pays puisse délibérer en même temps ?

La soutenance de thèse en cotutelle est le chef-d’œuvre logistique de votre doctorat. C’est un événement unique qui doit satisfaire simultanément aux exigences réglementaires de deux universités, de deux pays, et s’adapter à un décalage horaire de plusieurs heures. L’organisation de cette soutenance hybride ne s’improvise pas dans les dernières semaines ; elle requiert une ingénierie de planification qui doit être amorcée au moins six mois à l’avance. L’erreur serait de se concentrer uniquement sur le contenu scientifique de la présentation en négligeant la complexité de sa mise en scène.

La première étape consiste à contacter les services techniques des deux établissements pour évaluer les options de visioconférence compatibles et fiables. Il est impératif de ne pas présumer de la qualité ou de la disponibilité des équipements. La coordination des agendas des membres du jury, disséminés sur deux continents, est un véritable casse-tête qui nécessite de proposer plusieurs créneaux horaires en tenant compte du décalage. Un test technique grandeur nature, un mois avant le jour J, est non-négociable pour anticiper tout problème de son, d’image ou de connexion. Prévoir un « plan B », comme un lien Zoom personnel en cas de défaillance du système institutionnel, est une marque de professionnalisme.

Le processus administratif post-soutenance est tout aussi crucial. Comme le rappellent les directives de l’Université Paris Cité, par exemple, la soutenance unique n’est que la première étape. L’obtention effective du second diplôme dépend de la transmission rigoureuse du procès-verbal, du rapport de soutenance et de la version finale de la thèse aux instances compétentes de l’université partenaire. Négliger cette phase finale peut retarder de plusieurs mois la délivrance de votre précieux diplôme.

Ce rétroplanning détaillé montre que l’organisation de la soutenance est un projet en soi, exigeant anticipation et rigueur.

Checklist temporelle pour organiser une soutenance en cotutelle
Délai avant soutenance Actions à entreprendre Responsable
6 mois Contacter les services techniques des 2 universités pour évaluer les options de visio Doctorant
4 mois Proposer 3 dates/créneaux au jury en tenant compte du décalage horaire Directeurs
3 mois Confirmer la composition finale du jury et obtenir les accords écrits des écoles doctorales Écoles doctorales
1 mois Réaliser un test technique grandeur nature avec tous les participants distants Services IT / Doctorant
1 semaine Valider le plan B (ex: lien Zoom personnel) et envoyer les rappels et instructions finales Doctorant

Cette orchestration minutieuse est l’aboutissement de votre parcours, une démonstration finale de votre capacité à mener à bien un projet d’une complexité exceptionnelle.

Canada ou étranger : où faire votre postdoc pour garantir votre tenure-track au Québec ?

L’obtention de votre double doctorat n’est pas une fin en soi, mais le début de votre carrière. La question du postdoctorat devient alors stratégique, surtout si votre objectif est d’obtenir un poste menant à la permanence (tenure-track) au Québec. Le marché académique québécois est de plus en plus compétitif. Un indicateur intéressant est que, pour la première fois au Québec en 2021, on comptait 51% de femmes parmi les nouveaux titulaires d’un doctorat, signe d’un bassin de talents vaste et diversifié d’où il faut se démarquer.

Face à ce constat, une double stratégie s’impose. La première option, contre-intuitive, est de réaliser son postdoctorat à l’étranger dans un centre d’excellence mondialement reconnu. Cela démontre votre mobilité, votre capacité à vous intégrer dans un nouveau réseau international et à acquérir des compétences de pointe. Cependant, cette option comporte le risque de vous « déconnecter » du réseau québécois. Pour pallier cela, il est impératif de maintenir une affiliation stratégique avec le Québec : maintenir une collaboration active avec un laboratoire local, co-publier avec des chercheurs québécois, et revenir annuellement pour des événements clés comme le congrès de l’ACFAS.

La seconde option est de réaliser son postdoc au Québec, en ciblant un laboratoire qui complète votre formation. Cette voie permet de consolider votre réseau local et de démontrer votre engagement envers l’écosystème de recherche québécois. Dans les deux cas, l’objectif est de construire un profil qui soit à la fois excellent sur le plan international et pertinent pour les priorités stratégiques du Québec (telles que l’intelligence artificielle, l’électrification des transports ou la santé durable). Un simple postdoc ne suffit plus ; il doit être pensé comme la construction de la première brique de votre futur programme de recherche en tant que professeur.

Stratégie postdoctorale pour maximiser vos chances de tenure-track au Québec

  1. Identifier les domaines de recherche stratégiques et prioritaires pour le Québec (ex: IA, santé durable, électrification).
  2. Maintenir une affiliation secondaire (professeur associé, collaborateur) avec une université québécoise pendant un postdoc à l’étranger.
  3. Publier au moins deux articles en collaboration avec des chercheurs basés au Québec durant votre stage postdoctoral.
  4. Participer annuellement au congrès de l’ACFAS pour maintenir et développer activement votre réseau québécois.
  5. Postuler aux programmes de professeur invité dans les universités québécoises un an avant la fin de votre postdoc pour préparer votre retour.

Votre stage postdoctoral n’est pas une simple continuation de votre thèse ; c’est votre audition pour un poste de professeur. Il doit être planifié avec la même rigueur stratégique que votre cotutelle.

Pourquoi les employeurs européens préfèrent-ils les profils formés à la méthode nord-américaine ?

Le véritable trésor d’une cotutelle France-Québec réside dans la fusion de deux cultures académiques. Cette double formation vous dote d’un capital scientifique binational qui est particulièrement prisé sur le marché du travail, y compris en Europe. Une étude des Presses de l’Université de Montréal sur le sujet révèle une observation fascinante de Francine Rheault de l’UQAM : les doctorants en cotutelle acquièrent « une nouvelle perspective de leur univers disciplinaire ». Ils sont souvent ceux qui réussissent le mieux, car ils combinent la rigueur et les compétences en gestion de projet caractéristiques du système nord-américain avec la profondeur conceptuelle et l’approche théorique souvent valorisées dans le système européen.

Cette hybridité est votre principal avantage compétitif. Un employeur européen (académique ou industriel) ne voit pas seulement un expert dans un domaine, mais un profil capable de faire le pont entre différentes manières de penser et de travailler. Votre capacité à naviguer entre le pragmatisme orienté résultats du modèle québécois et l’érudition théorique du modèle français est une compétence rare. Vous n’êtes pas seulement bilingue en langues, vous êtes bilingue en cultures de travail. Vous savez monter un projet de recherche avec des jalons et des livrables clairs (méthode nord-américaine) tout en étant capable d’en débattre les fondements épistémologiques (méthode européenne).

Il est donc crucial de savoir articuler cet avantage sur votre CV et en entretien. Ne vous contentez pas de lister vos deux diplômes. Mettez en avant les compétences transversales acquises : gestion de projet en contexte international, communication interculturelle, adaptabilité, et expertise dans deux écosystèmes réglementaires et scientifiques. C’est cette synthèse qui fait de vous un candidat unique et qui, comme le dit Richard Patry, « ouvre les portes d’une carrière internationale ».

Comment valoriser votre double formation sur le marché de l’emploi européen

  1. Mettez en avant vos compétences en gestion de projet (deadlines, budgets, livrables) acquises dans le système nord-américain.
  2. Soulignez explicitement votre capacité à naviguer et à vous adapter à deux cultures de travail et de communication différentes.
  3. Démontrez votre expertise dans deux systèmes réglementaires ou normatifs distincts si pertinent pour votre domaine.
  4. Valorisez votre réseau international étendu comme un atout stratégique pour de futurs partenariats ou collaborations.
  5. Présentez des exemples concrets de collaboration transatlantique réussie durant votre thèse (co-publications, organisation de séminaires).

Votre double diplôme n’est pas une simple addition, c’est une multiplication de votre valeur sur le marché international du travail, à condition de savoir en raconter l’histoire.

À retenir

  • La convention de cotutelle n’est pas une formalité administrative mais un traité stratégique qui doit anticiper les conflits de juridiction académique.
  • Le financement d’une cotutelle s’obtient non pas en listant des dépenses, mais en justifiant la mobilité comme une condition méthodologique essentielle à l’excellence de la recherche.
  • L’avantage compétitif d’un double diplômé réside dans sa capacité à incarner une synthèse unique entre la rigueur de gestion nord-américaine et la profondeur théorique européenne.

Comment obtenir les prestigieuses bourses FRQNT, FRQS ou FRQSC pour payer vos études supérieures ?

L’obtention d’une bourse d’excellence des Fonds de recherche du Québec (FRQ) est souvent une condition sine qua non pour la viabilité financière d’un projet de cotutelle. L’enjeu est de taille : pour la seule période 2023-2024, les FRQ ont annoncé des investissements de 58,6 M$ en bourses de formation. Accéder à une part de ce financement requiert la constitution d’un dossier de candidature qui ne soit pas seulement excellent sur le plan scientifique, mais aussi irréprochable sur le plan stratégique.

L’erreur commune est de présenter la cotutelle comme une simple « opportunité » ou un « plus » pour le projet. Pour un comité d’évaluation, cela sonne comme un caprice coûteux. La clé du succès est de renverser cette logique : vous devez démontrer que la cotutelle n’est pas optionnelle, mais absolument essentielle et indispensable à la réalisation même de votre projet de recherche. La double direction et la mobilité ne sont pas des bonus, mais des conditions méthodologiques. Par exemple, l’accès à un équipement unique, à une expertise de pointe qui n’existe pas au Québec, ou à un terrain d’étude spécifique sont des arguments puissants.

Bureau organisé avec dossiers de candidature pour bourses FRQ et notes stratégiques

Votre dossier doit également être un argumentaire des retombées directes pour le Québec. Le comité doit comprendre que financer votre mobilité, c’est investir dans l’établissement de partenariats durables, l’importation de techniques innovantes, la production de publications conjointes à fort impact, et à terme, le renforcement de l’attractivité scientifique du Québec. Les lettres de soutien de vos deux directeurs sont capitales : elles doivent aller au-delà de l’éloge de vos qualités et expliquer en détail la synergie unique de leur collaboration et la valeur ajoutée de la cotutelle pour le projet. Enfin, une rigueur absolue est de mise sur les aspects formels : cibler le bon comité (FRQNT, FRQS, ou FRQSC) et respecter scrupuleusement les échéances, comme la date limite souvent fixée au début d’octobre.

Votre checklist pour maximiser vos chances d’obtenir une bourse FRQ en cotutelle

  1. Dédiez une section entière de votre projet à expliquer pourquoi la cotutelle est ESSENTIELLE (et non juste « bénéfique ») à votre méthodologie.
  2. Démontrez de manière concrète les retombées directes pour le Québec : futurs partenariats, importation de savoir-faire, publications conjointes.
  3. Obtenez des lettres de recommandation de vos DEUX directeurs expliquant la synergie unique et indispensable de leur collaboration pour ce projet.
  4. Ciblez précisément le bon comité d’évaluation en fonction de votre domaine : FRQNT (Nature et technologies), FRQS (Santé), ou FRQSC (Société et culture).
  5. Soumettez votre demande bien avant la date limite (généralement début octobre), en vous assurant que tous les relevés de notes et documents requis sont conformes.

En adoptant cette posture, vous transformez votre demande de bourse en un véritable plan d’affaires scientifique, démontrant que chaque dollar investi dans votre projet est un placement stratégique pour la recherche québécoise.

Pour mettre en œuvre ces stratégies et transformer votre ambition de cotutelle en une réalité prestigieuse, l’étape suivante consiste à évaluer rigoureusement votre projet à l’aune de ces exigences et à initier dès aujourd’hui les démarches diplomatiques nécessaires.

Rédigé par Jean-François Lemieux, Professeur-chercheur en ingénierie et directeur de thèses. Expert en financement de la recherche (FRQ, CRSNG) et en parcours aux cycles supérieurs (Maîtrise/Doctorat). Il guide les futurs scientifiques dans l'écosystème académique nord-américain.